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QUESTION LÉGISLATIVE.
AUX CITOYENS PRÉSIDENT ET MEMBRES
DU CONSEIL DES CINQ- CENTS.
Ci
TOYFInS législateurs,
Une affaire particulière fait naître une question
bien digne d'occuper le Corps législatif, parce
qu'elle intéresse là société entière , et la liberté
individuelle , premier objet de notre Législation.
Jusqu'à quel point sera-t il possible d abuser des
dispositions du Code des délits et des peines ;
connu sous le nom de Loi du 5 Brumaire, an 4;
de cette Loi, dont le but a été, autant d'assurer le
triomphe de l'innocence calomniée , que h puni-
tion du coupable convaincu ; de supprimer le9
lenteurs interminables de l'ancienne prbç dure
criminelle , de ne laisser durer la détention de
l'accusé que le temps justement et absolument
nécessaire pour acquérir les preuves , soit de son
innocence , soit de son crime ? Jusqu'à quel point
la haine , la partialité ou l'intrigue pourront-elles
abuser de cette Loi , pour éterniser la procédure
etla détention de l'accusé ; c'est-à-dire , pour faire
servir la loi même, précisément a l'abus qu'elle veut
prévenir, pour établir une espèce de guerre intes-
tine entre son esprit et ses préceptes les plus im-
ux?
Suivant l'article XIV de la Loi dc< 5 Vendémiaira
fcl 2 Brumaire , an 4 , le recours en cassation cou ire
A
( s )
1rs fugemens préparatoires ou d'instruction n'est
ouvert qu'après le jugement définitif
Sera-t-il possible , d'après cette disposition , par
des jugemens répétés d'instruction , de perpétuer
la détention d'un Citoyen accusé , de plonger sa
femme et ses enfansdans la douleur et les lai ni
sans qu'ils puissent prévoir la fin de leur misère
et de leurs souffrances ?
Ah, sans doute, cette question est digne de
toute l'attention des Législateurs !
Un Citoyen est accusé.
On s* ap perçoit qu'il sera infailliblement acquilté.
Cependant on est prévenu contre lui personnel-
lement , et, dans le désespoir delefaire condamner,
on prend le parti de le vexer, de perpétuer sa
détention , de le faire souffrir par la prison , de le
ruiner en lui liant les mains, en le privant arbi-
trairement de sa liberté ; on se sert même des
formes de la justice pour le juguler.
On épuise d'abord à son égard tous les dé'
On est sourd à ses instances. Lorsque ses cris de-
viennent trop vifs , trop éclatans , on feint de le
présenter aux. débats : là , on fait casser son acte
d'accusation , et l'on obtient le temps, touj
fort long , d'une nouvelle procédure.
Lorsqu aj rès le ; >uv< 1 acte d'accusation le mal-
Heureux insiste pour obtenir jugement, une nou-
velle ca iti il vi< Ut do nouveau river les fers qu'il
veut rompre.
Revenu de nouveau au Tribunal , on yro\ osera
çncore une cassation ; le Tribunal la refusera , on
ugira consister 5 on, imaginera do préêandus
( 3 )
nouveaux faits , sur lesquels on demandera iiiïfe
intruction ; et de cette manière on éludera encore
le jugement auquel l'accusé croyoit toucher , et
il sera ainsi replongé dans les cachots , pour tout
le temps qu'il plaira de le tourmenter : car une
nouvelle instruction ne se fera pas, ou se fera de
manière à n'en pas laisser appercevoir le terme.
Cependant l'Accusé n'a aucun moyen de se faire
ouvrir la lice qu'on lui refuse avec tant d'obstina-
tion. La loi ne lui accorde le recours en cassation
qu'après le jugement définitif. Jusques là elle lui
clôt la bouche et étouffe ses plaintes. Elle le livre
sans défense à ses ennemis.
Citoyens Législateurs . voilà une véritable lacune
dans la Législation, Voilà une circonstance qui
mérite toute votre sollicitude ; voilà un abus dan-
gereux qui peut devenir funeste à tous les Ci-
toyens , et que votre sagesse seule peut prévenir.
Si vous ne corrigez pas le défaut qui se trouve
dans notre Législation criminelle , si vous ne
donnez pas à l'accusé , auquel les Loix actuelles
imposent silence jusqu'après le jugement définitif,
le moyen de forcer le combat qu'il offre , et qu'on
refuse ; envain aura t-on pris les plus grande pré-
cautions pour assurer laliberté du Citoyen ; à l'aide
de cassations d'actes d'accusation successives,
et sous tous autres prétextes imaginaires , on le
condamnera à une prison perpétuelle et arbitraire ;
on le fera périr dans les fers sans qu'il puisse les
rompre; car chaque effort qu'il fera pour les briser*
sera réprimé par un jugement dit préparatoire*
contre lequel il n'aura aucun recours^
( 4 )
Ceci h'flàt point ure chimère: iiiip affaire actuel-
lement pendante an Tribunal crraimel < ! u Depar-
tment de la & ine . e ^au
effrayant qui vient cl être mis eux : il
tracé dai - i 9 piéi i i fùbtiKçatires jointes à la pré-
sente Pétition.
A Etienne plais? que I Exposant veuille inci
les Juges du Tribunal criminel du 1)
de la Seine. Jl respecte leurs lu;: < i ! «;ur
intégrité, Il est plein de confiance dans leur
Il joint sa voix au c #ni ert d i r-
tout en laveur du Magistrat placé à la tête de ce
Tribunal: mais ils se, kaissénl trop Jaciiement sur-
prendre par l'A ci; ateur public, qui prête Lui-
même une ! rèilie tiop complaisante aux ennemis
de l'Accus
Ce que ia foi blesse et la sBTpris ent sur les
Ju ...-; du Tribunal criminel du !.>• partein
e, (juoupie plt-in, dV . de sagesse et
e!e vertus, 'a haine ou la partialité nourroient
î'o ! .:< ni de Magistrats moin^ en
de leur-; devoirs, et la liberté individuelle seroit
cruellement compromis.
Il est donc extr» uemeiU urgent , il importe k
la société entière rie réprimer cet abus c\ès sa nais-
sance, li existe: l'affaire de ITKcpofcaht en est un
exemple malheureux ci affligeant pour la Justi
Il pourreit se renouveller si on n'y apporte pas
un prompt remède, JL/ExposàrU se c<
ses longues souffrances si elles peuvent Fournir
l'occasion de sauver de pa >
Couciîo\ens , et à la Justice e eaux scan-
dales. 11 s'estimera heureux de . au m<
de cette manière . -a dette à d Ue Pati : eu
l'accuse d'avoir voulu déchirer le s.
M. DODOUCET,
JParù , ce 5o Prairial \ an G K
A N A L Y S E
DES PIÈCES JUSTIFICATIVES,
JVL elCiiior î\ î o n t ? i : g x o n Dodoucet,
Imprimeur à Paris, a été arrêté le i5 Fructidor
dernier , comme prévenu de délit de la presse. Il
n'a été traduit devant le Directeur de Jury cfu'apfès
avoir été détenu, i.° au Bureau central trente-
cinq jours , en contravention aux articles 222 ,
2.25, 224, 22:"), 227 et 228 de l'Acic consîitu-
tionnel : 2. Après avoir été interrogé le i3 Ven-
démiaire par un Juge de-paix , au mépris des art.
2A5 dudit Acie constitutionnel, 140 du Code des
délits et des peines, et 2 et 3 de la Loi du 27 Ger-
minal an 4-
Le 6 Brumaire Dodoncet est constitué en état
d'accusation , et conduit à la maison de Justice
du Département de la Seine.
Le 29 du même mois l'Accusé est présenté aux
débats , les pièces sont lues , les débats sont finis;
et c'est à cet instant seulement que l'Accusateur
public requiert la cassation de l'Acte d'accusation,
sous prétexte qu'il y est parlé d'une prétendue
attaque effectuée avec des armes à feu (1) , qui ne
( 1 ) La prétendue attaque effectuée avec des armes à feu
portoit sur deux coups de pistolet tirés par un particulier qui
accompagnoit une femme Basta , afficheuse, au moment ou
elle fut arrêtée. Les coups de pistolet étoicnl étrangers à
( G )
pas partie du résumé soumis au Jury cî'accu-
6ation.
Le 3 ur de l'Accusé s'opposa fortement
à ceite cassation , i.° parce que les débats étant
ouverts ei dos , il nYtoit plus possible , ni pex*
mis, aux termes de îa Loi, art. 410, do reçu
ou d'interrompre le jugeaient, 2. parte que le
Commissaire du Directoire ayant mis au bas de
la procédure , la formule la Loi autorise , et ayant
ainsi approuva cette procédure, nétoit plus rece-
vable à proposer des nullités ; 5.° en/in , parce
que la découverte d'un nouveau fait opérée par les
débats, ner>ouvoit point êfre un motif de suspendre
le jugement de celui en état de recevoir 6a déci-
sion , suivant les articles 427 et -, >G de la même
Loi.
Malgré ces observations, fondées sur le texte
même du Code des délits et de> peines , l'acte
d'accusation a été cassé par le jugenldnt prononcé
le même jour , et l'accusé renvoyé devant le
Directeur de Jnry pour faire une nouvelle ins-
truction.
Conformément à ce Jugement , un nouvel Acte
d'accusation est dressé. La procédure remise au
Dodoucet , puisqu'il étoit constanUque 1 l pas lui qui
accompn^noii la femtfté Basta , et aujourd'hui il et reconnu
que ces coups de pistolet , tirées pa;- V M RAT , qui l'avoua
dans un Mémoire imprimé , n'étbient qu'une feint©', un je*
concerté entre lui et la Police.
( 7 )
\\vche est prise en communication , examiné par
îe Commissaire du Directoire , qui met au bas en-
core la formle : la Loi autorise. Les débats sont
fixés au 21 Nivôse.
Le. 21 arrive: l'Accusé n'est ni Jugé, ni même
appelé. Il présente au Tribunal une requête. Il
expose que d'après la nature du délit qui lui est
imputé , son affaire doit , aux termes des articles
5 et 6 de la Loi du 27 Germinal, an 4, être jugée
sans délai et toutes affaires cessantes. 11 conclut
en conséquence à ce qu il soit présenté aux
débats le jour le plus prochain.
L'Accusateur public . répond : que. recevant,
dans cette affaire chaque jour de nouveaux ren^
seignemens , il a besoin de temps pour les ras^
sembler , et le 24 du même mois , il est rendu un
jugement qui remet la cause , sans fixer aucun
terme.
Au mois de Pluviôse suivant , l'Accusateur pu>
blic , n'ayant Fait connoitre aucuns des nouveaux
renseignemens au il avoit annoncé recevoir tous les
fours , n'ayant fait subir à l'accusé aucun nouvel
interrogatoire , celui-ci a donné une nouvelle re-
quête , contenant les mêmes conclusions, fondées
sur les mêmes textes.
L'Accusateur public répond encore : que ïesmotifs
qui l'avoir, porté à demander la remise de V affaire
subsistaient toujours , et sur cette simple observa-
non , il obtient , le 6 , un jugement qui déclare n'y
avoir lieu à prononcer quant à présent , sur la re-
quête, sans fixer encore aucun jour.
( 8 )
Y) o n I r'C E ï ayant v:i ^on affaire sur la
feuille du mois de Ventôse auiv>n.h; e d< ;ui
dévoient être jugées dans l,i j r) . i re quinzaine de
ce mois , conçut quelquespoir. La prou. hjd«
gaine s'écoula sans qu'il (ïït.jcrge\ Le i5 du nu nie
mois ii renouvclla ses instances fiai une autre re-
quête. Enfin, l'Accusateur public déclara cpw
renscignemens nuiiï attendait , ou "en* conséquence
kl ne eecevojt pas tous les jouEs , J ii i scroient vrai-
semblablement pancnusleo Germinal: que dans
ious les cas il n'empcchoit que la cause ne fui portée
ce jour-là à l'audience ; et déclara qu'il se tien-
droit prêt. Il intervint en conséquence le 18 du
"même mois , un jugement qui ordonna que Do-
doucet seroit présenté aux débats le g Germinal.
Le 8 , la veille du jour indiqué, fixé par un
jugement solemr.r! , on le fait monter au Tribunal
sans le prévenir , sans qu'il ait le temps d'appeller
son défenseur . et ii , sur les motifs les plus vains .
les plus arbitraires, l'Accusateur public a demandé
encore une fois la cassation de l'Acte d'accusation;
de cet Acte au bas duquel le Commissaire du Di-
rectoire avoit mis la formule : la Loi autorise ,
qu'en conséquence il ne pouvoit pins crit
parce que son approbation elevoit contre 1 i une
lin de non recevoir insurmontable; de c<
qui étoit dans les mains de l'Accusateur publ
depuis plus dé trois fiiois , sans qu'il en « ut dé?
couvert ou remarqué les prétendus vices ; dont
il n avoit reculé le jugement que sous le prétexte
àepréieadu5renseigneniens,dont aucuns n'a paru :
( 9 )
de cet acte enfin que l'Accusateur public n'a fa-
mais le droit d'attaquer pour cause de nullité f
parce que la Loi , qui a marqué à chaque fonc-
tionnaire public le cercle de ses devoirs et de ses
fonctions , attribue celle - ci au Commissaire du
Directoire, ainsi qu'il résulte df-s articles 292,
op/3 , 5^4, 525, 3-2G , D27 et oag de la Loi du 3
Brumaire.
L'infortuné livré à lui-même et sans défenseur ,
ne put éclairer le Tribunal qui adopta le réquisi-
toire illégal et sans fondement ce l'Accusateur.
Oui, sans fondement! il ne faut pour s'en con-
vaincre que voir les motifs du Jugement du 8 Ger-
minal. L'Acte d'accusation imputoit à Dodoucet :
d'avoir attenté à la sûreté intérieure de la Ré-
publique , en imprimant, et faisant afficher des
écrits provoquant la dissolution de la Représen-
tation nationale et du Directoire.
Le délit étoit donc parfaitement précise ; cep en»
délit le Tribunal casse cet Acte d'accusation, atten-
du , dit-il , que les endroits des écrits imprimés con~
tenant ces provocations , ny sont pas énoncés.
Il est bien évident que c'éîoit à l'Accusateur pu-
blic à justifier l'accusation, on faisant voir ces
provocations dans ces écrits. C'ëtoit-la sa tâché et
non celle du Directeur du Jury; cornrne celle de
1 Accusé étoit de repousser l'accusation, en prou-
vant que ces provocations n'existoient pas. Ji est
bien clair qu'il étoit fort inutile de rapporter dans
l'Acte d'accusation des provocations qui dévoient
se trouver, si elles existaient, clans les afiicbas
( io )
rapportées et jointes comme pièces de conviction*
Ainsi, les motifs de la ca sation proposée et
adoptée, n'étoient évidemment que des moyens
rîélatoires et reprouvés par la raison.
Enfin , le<j 1 loréal il est dressé un nouvel Acte
d'accusation , dans lequel , quoiqu'on y ait copié
pinceurs endroits des affiches , les prétendues pro-
vocations ne se trouvent pas encore , parce qu'elles
n'existent point dans les affiches.
LA censé de nouveau traduit en la maison de
Justice , réitéra ses instances pour obtenir juge-
ment ; mais il apprit que le Commissaire du Di-
rectoire se disposoit à demander la cassation de ce
troisième Acte d'accusation. Il se hâta de faire des
réclamations. Le Tribunal s'assembla , entendit le
Commissaire r arrêta qu'il mettroit au bas de l'or-
donnance de prise-de-corps, la formule: la Loi
autorise, et fixa les débats au i5 de ce mois.
Qui le pour; oit croire ! le i5 arrive et les débats
n'ont pas lieu ! les témoins à décharge invités par
l'Accusé se sont présentés ; ils ont demandé la
cause, on leur a dit qu'elle étoit remise ; il-
Ont demandé à quelle époque , et la réponse a
été : on rijen sait rien.
Se roidissant néanmoins contre la résistance qu'il
éprouve , Dodoucet dresse une nouvelle requi
et veut la fair.é signifier, le 14, régulièrement à
l'Accusateur publie V l'Huissn r remplissant
fondions d n ministère < : arrêta , on
p.! end l'original et la copie de sa r<
Le même jour il lui a été signifié un ju
( M )
qui, sur le réquisitoire de l'Accusateur public,
toujours en contravention desdits articles 33t,
355 , 554 et 35j du Code des délits et des peines ,
suspend encore les débats jusqu'après une nou-
velle instruction , que l'Accusateur public pré-
tend avoir à faire sur de nouveaux faits soi disant
venus à sa connoissance; et lui livre la procédure,
le tout en contravention aux arricles 4?-7 et 44G
de la Loi, suivant lesquels les faits nouveaux ne
peuvent arrêter ni retarder le jugement de ceux
en état de recevoir la décision. Et ce jugement
a été rendu en l'absence de l'accusé I et ce ju-
gement ne pouvoit être avoué, ni par la raison,
ni par la justice.
Il est bien clair que le seul , le vrai motif qu*
porte l'Accusateur public à prolonger, au mépris
de la Loi , les délais , sous des prétextesrenaissans
sans cesse au moment de l'ouverture des débats ,
prétextes légers , irréguliers et bisares , est de ne
pas faire juger un Accusé qu'il sent bien devoir
être acquitté , de lui faire subir une peine arbi-
traire , dans l'impuissance de lui en faire infliger,
une légale ?
L'Accusateur public déclare dans son Réquisi-
toire, qu'il a dénoncé les nouveaux faits venus à
sa connoissance, au Directeur du Jury d'accusa-
tion, Ysabeau , par une ieltre du 8 de ce mois
de Prairial.
Aujourd'hui 5o, l'accusé n'a pas même encore
été interrogé !
Est - il assez clair que le seul but est de perpétuer
ime affaire qu'on ne veut pas faire juger parce
'ju'on yerroit échapper sa victime?
M. DÔIJOUCET.